La performance*
      C’est un corps
      dans un espace 
      et c’est un son
      dans un corps,
      ce son est celui de mon corps
      ou celui de cet espace,
      c’est un son de nature :
      voix, viande, &c.
      ou un son d’artifice :
      musique, bruits, &c.
      Puis c’est un geste 
      du corps
      et un mouvement
      de cet espace
      et comment jouent ensemble
      le geste du corps
      et le mouvement de l’espace.
      Le mouvement de l’espace 
      est proprement celui de l’espace
      mais aussi du peuple de cet espace :
      du public.
      Là, tout va bouger :
      le corps, 
      l’espace, 
      le son, 
      le geste...
      Et la rencontre
      sera
      ou s’évaporera.
      Là, aux entrepôts frigorifiques,
      sous les voûtes
      dans cet espace 
      en bord de Seine
      aux frontières d’une friche industrielle
      qui sera une université parisienne
      (l’université Denis-Diderot)
      la rencontre s’est établie...
      Quant à l’enseignement :
      l’université future
      ne pourra jamais faire mieux.
      octobre 2002
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      *Post-Scriptum 
      c’est un art désespéré
      P.S. no 2
      Si je dis « à ce jour », c’est comme s’il 
      y avait une lueur d’espoir, or l’obscurité est totale.
      Néanmoins, « à ce jour », toute révolte 
      contre
      l’injustice comme tout combat pour la justice – ce qui n’est 
      pas la même chose –, celle des hommes, celle qui fait la différence 
      avec la barbarie des animaux domestiques, ont été un échec. 
      L’administration américaine made in USA (héréditaire 
      et désormais truquée) et l’administration russe made 
      in URSS (mais oui ! mon pote Poutine ! en URSS !)
      règnent
      règnent sur le monde
      aidées par leurs chiens et leurs faucons
      deux bêtes faciles à apprivoiser.
      printemps 2003
      P.S. no 3
      En ce début de millénaire
      la performance est guettée par 4 dangers :
      1/ le gag trop intelligent
      2/ le gag trop idiot
      3/ la saynète théâtrale
      4/ le monologue pour cabaret à touristes
      1 risque :
      1/ la longueur
      et 2 réalités :
      1/ les critiques hors média et hors style s’emparent, désormais, 
      de cette discipline et, hors de cette culture, la définissent néanmoins 
      (en tant qu’ingénieurs d’un appareil critique d’une 
      machine hors circuit).
      2/ ceux qui pratiquent ça parce que ce serait être à 
      la mode...
      et 5 con
      tenus néfastes 
      1/ l’engage
      ment
      simpliste et altruiste
      2/ le sexuelle
      ment 
      nu ou opaque
      3/ les symboliques et les ri
      tu
      els
      pisse de chat et caca-boudin
      4/ la mise en scène de l’antipathie spontanée et
      radicale des artistes entre-deux (entre deux âges, entre deux styles, 
      entre deux &c.) à l’égard des autres artistes (jeunes 
      et vieux, physiques ou
      technologiques, &c.)
      5/ le retour au happening, Gutaï et autres spectacles avec participation 
      obligatoire du public
      P.S. no 4
      En ce début de millénaire
      la performance est partout avec le théâtre, la danse, la musique, 
      les arts plastiques 
      et c’est tant mieux...
      Mais elle est aussi enseignée dans les Écoles d’Art
      et là c’est tant pis.
      Pauvres écoliers qui se retrouvent face à des jeunes femmes 
      ou des jeunes hommes voire des vieilles femmes et des vieux hommes qui sont 
      loin de leur corps et de leurs actes, loin de leur vie et de leur désir, 
      loin du risque et du plaisir, loin de la haine, de la révolte et 
      de l’amour, et qui conduisent ces
      écoliers de colloques en séminaires sur les
      autoroutes du savoir mort.
      P.S. no 5
      En ce début de millénaire
      moi, 
      après 42 ans passés à en faire (des perfs c. à 
      d. des poëmes en chair et en os) j’arrête, j’arrêterai 
      fin 2004. Je vous dirai et je vous dis : ça commence à Marseille 
      à la Friche de la Belle-de-Mai le 
      18 novembre 2004. 
      Après je me planquerai dans les résidus : livres, disques, 
      films, expos et autres traces ordurières.
      P.S. no 6
      Finalement,
      je fais des expositions
      pour publier des livres :
      des livres,
      pas des catalogues.
      Le livre dans l’espace
      donne
      le livre dans le livre.
      Et après je peux lire 
      le livre,
      le lire de tout mon corps,
      en chair et en os...
      printemps - été - automne - hiver 2003
      P.S. no 7
      Désormais, mon corps n’est plus à la mesure de mon ambition...
      P.S. no 8
      À part Balint Szombathy qui, bien que plus jeune, fait plus vieux 
      que moi, j’étais le benjamin de la fournée de l’E.P.I. 
      Zentrum Der Lange Atem
      (Zbigniew Warpechowski et Jerzy Beres de Pologne, Janet Haufler de Suisse, 
      Sten Hanson de Suède, Balint et moi), rencontre à l’initiative 
      de Boris Nieslony...
      Alors oui ! Je me suis dit : « Oui ! Je pourrais comme eux, comme 
      elle, continuer à performer, montrer mes rides et mes plis, mon souffle 
      court et mes muscles flasques, ma peau flétrie et mes poils
      blancs et nos infirmités
      (comment écrivais-je « ça »jadis dans mes Bimots 
      ?: 
      Poumons / goudronnés - Cartilages / déconjugués -
      Reins / ensablés - Foie /engorgé - Vaisseaux / encrassés 
      -
      Peaux / rides - cheveux / blancs - Poils / gris - Muscles / douleurs -Viscères 
      / douleurs - Squelette / douleurs - Cervelle / mémoire)
      La vieillesse est déjà une performance si elle est exhibitionniste.
      Mais c’est une perf. à partir d’un âge certain 
      à la portée de tous.
      J’ai vu Isou en slip Kangourou, Esther enrubannée de scotch 
      transparent et la grosse et vieille queue de Jerzy peinte aux couleurs de 
      la Pologne, et moi, en ai-je assez fait, nu, des « Appels au linge 
      » ! L’ange et L’un seul ou le lange et le linceul...
      Donc, désormais je resterai vêtu, et assis, calme, derrière 
      une table, pour lire clair, sobre, digne (à la rigueur : debout), 
      vrai.
      Le texte, lui, sera à poil et au poil, c’est du moins mon souhait 
      et ma volonté.
      Je laisse à mes amis et à mes ennemis, à mes chers 
      infirmes plus ou moins diminués, leurs textes dits, agités 
      & datés.
      P.S. no 9
      J’ai été souvent ridicule et normalement grotesque de 
      1962 à 2004 (inclus)...
      P.S. no 10
      (le + & le - )
      C’est bien, que j’arrête la perf. 
      (le poëme en chair&en os et à cor&à cri ) : 
      de 5 à 5 000 personnes spectatrices-auditrices je n’ai toujours 
      qu’un public de 2 personnes :
      l’une qui dit :
      « Vous êtes obligé d’hurler tout le temps ?* »
      et l’autre qui me confirme que j’ai inventé le poëme 
      olfactif.**
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      * il vocifère, il faut s’y faire
      ** Ecfruiture
      automne 2004
      P.S. no 11
      Voilà plus de quarante ans que je voyage à travers le monde 
      pour voir du pays, rencontrer les gens, et je ne visite que des auditoires.
      P.S. no 12
      Si j’étais sincère (vrai-ment) je dirais que j’arrête 
      la perf. aussi, surtout, à cause du trac qui me brûle l’estomac 
      et me ligote le cœur les jours qui
      précèdent et me rend insomniaque la nuit d’avant.
      automne - 2005
      P.S. no 13
      Militant, prêcheur, représentant, depuis 1962 j’ai dit 
      et remué ma poésie tout autour du monde, j’ai agi devant 
      des foules et des déserts.
      Je voulais convaincre par la confrontation avec eux, avec elles, avec tous. 
      Les mettre en face de la
      poésie en chair & en os et à cor & à cri.
      Mais le monde est large, long, épais, dispersé ; trop traversé, 
      trop desservi.
      Et le monstre qui m’écoute, qui me voit n’a que deux 
      oreilles mais mille langues : je renonce.
      hiver 2005
      
      Julien BLAiNE est né en 1942, à Rognac, au bord de l’Étang 
      de Berre, flaque de mer jadis bleu-azur, aujourd’hui marron glacé. 
      Il vit à Ventabren et à Marseille et nomadise le plus possible.
      (Dénommé aussi Christian POiTEViN (patronyme) et d’une 
      ribambelle d’autres noms
      ÉDITEUR de Doc(k)s et d’une ribambelle d’autres 
      périodiques
      AUTEUR de 13427 poëmes métaphysiques et d’une ribambelle 
      d’autres livres et catalogues 
      EXPOSANT de du sorcier de V. au magicien de M. et d’une ribambelle 
      d’autres expositions 
      ORGANISATEUR des Rencontres Internationales de Poésie de 
      Tarascon et d’une ribambelle d’autres manifestations
      FONDATEUR du Centre International de Poésie de Marseille 
      (C.I.P.M.) et d’une ribambelle d’autres espaces culturels.
      CHANTIERS EN COURS : la poésie n’intéresse personne, 
      la 5ème feuille ou l’écriture originelle, le Verssicône, 
      Poëme Vulgos, Chom’art, Confidences d’Églantin, 
      &c.
      
      La vie & la phrase continuent...